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Poussière et confinement
Par | Le 15/04/2020 | Dans NEWS
On pourrait imaginer qu'en cette période de confinement un auteur redouble de productivité. On pourrait imaginer qu'il se sente inspiré par cette situation inédite, ébranlée, et que ses journées prennent des allures d'autoroutes encrées à défaut d'être goudronnées. Sans doute.
Mais pas moi. C'est plutôt le contraire.
Je dévoue moins ce confinement au comblement acharné d'un temps décuplé, qu'au dépoussiérage et à l'épurement de tout ce qui l'a précédé. Je me suis aperçue que mes diverses boîtes mail débordaient de messages surannés, dont l'empreinte carbone n'a rien de virtuel, alors autant les supprimer. Comme on tire sur un fil, je me suis mise à dérouler la pelote de ces dix dernières années. Et sans m'astreindre à la relecture de plusieurs centaines d'envois, un constat s'est rapidement imposé à moi : Dieu que j'aurai essayé. Dieu que j'en aurai effectué des démarches, des propositions de projets, des dossiers de candidatures. Que j'en aurai cumulé des prises de contact et des relances, portées par l'espoir, la foi, la persévérance, l'opiniâtreté... Des dizaines, des centaines de fois répétées.
Et de ce constat en a découlé un autre : "... Tout ça pour ça ?..."
C'est de notoriété publique : les auteurs vivent sur des montagnes russes, qu'ils affectionnent les manèges ou non. Des élans puissants vous font gravir les dômes, un moment fugace de béatitude vous est accordé, avant que des forces incontournables ne vous renvoient sur terre sans ménagement. Je suis passée par ces phases un grand nombre de fois, alternant entre pugnacité et découragement, entre "Ecrire est mon essence" et "Je dois changer de métier". La vie d'auteur est un grand parc d'attractions, mais il est rarement amusant.
Depuis mon nettoyage de boîtes mails, la poussière vole autour de moi. Je suis nimbée d'un nuage. Je tousse, mais le Covid n'y est pour rien. J'entends souvent dire que, pour réussir, il faut croire en soi. J'entends souvent dire qu'être positif mène, tôt ou tard, à la réalisation de soi. Les centaines de mails que j'ai retrouvés ont plutôt tendance à me démontrer le contraire, car en lieu et place de me faire avancer, ils m'ont plutôt maintenue dans un mirage. Bloquée dans une impasse, sans doute serait-il temps que je regarde le mur en face. Mais cela me demandera bien plus de courage que celui dédié aux dix années passées.
Délestées de leurs couches de poussière, mes boîtes mail sont de nouveau légères. Il me reste à décider quel sort réserver à ce nettoyage de printemps : le confinement de mes aspirations ou mon déconfinement vers d'autres horizons.
Non, décidément, après cette crise, rien ne sera plus comme avant.