Expériences et inspiration
Par stephaten | Le 05/01/2021 | NEWS
Évidemment, à l’ère du Corona, la démarche semble quelque peu compromise. Rencontrer, voyager, expérimenter, risque fort de constituer des ambitions restant à l’état de velléités. Mais je ne m’en détournerai pas et les maintiendrai jusqu’à fin de non-recevoir.
La grande majeure partie de son temps, l’auteur est un poisson rouge. Il vit dans l’aquarium de son foyer, coincé entre quatre murs et une fenêtre, un écran et un clavier, et s’efforce à longueur de journée de créer sans tourner en rond. Pas de collègues, de hiérarchie, de clients. Pas de travail en équipe, de pauses café collectives ou de rendez-vous professionnels. L’auteur n’a pour seul interlocuteur que son for intérieur, et à la rigueur, les pigeons qui roucoulent sur le rebord de sa fenêtre.
Il lui est donc vital d’aller chercher la vie à l’extérieur, de se jeter dans l’océan pour se confronter à ses courants, et tenir ainsi davantage du Nemo que du Carassius auratus.
Je ne me suis aperçue de cette nécessité qu’assez récemment, à vrai dire. Jusqu’ici, je me contentais de peu, voire de rien. Internet me suffisait pour rester « connectée » au monde, et je considérais le savoir comme largement équivalent au vécu pour écrire. Mais quand on commence à « vieillir », un curieux phénomène se déclenche. Une sorte de bip, une alerte, suivie d’un compte à rebours franchement désobligeant. « Tu ne vis pas, tu laisses passer la vie. Tu n’expérimentes rien, tu effleures tout. Tu attends quoi ? Que tes quatre murs se transforment en planches ? »
Ouais… c’est pas faux. Alors cette année, si Monsieur Corona le permet (c’est le seul supérieur hiérarchique auquel j’obéirai), je vivrai trois expériences bien précises, sélectionnées après mûre réflexion :
Retraite méditative
Je ne suis pas bouddhiste, mais j’apprécie la posture. Et je ne parle pas ici de la position du lotus (que je trouve extrêmement inconfortable). Cette philosophie, cette vision de la vie et la connaissance sur laquelle elles s’appuient, me parlent et m’interpellent. Je pratique la méditation de façon assez sporadique et encore trop décentrée. Pourtant, je « sais » à quel point elle est essentielle à notre équilibre, sur tous les plans.
Il existe deux monastères bouddhistes en France, proposant des retraites méditatives. Je vais donc expérimenter une semaine complète de coupure de réseaux virtuels, pour me brancher aux réseaux éthériques. Le silence, la solitude et la discipline ne m’effraient pas, elles font déjà partie de mon quotidien. Mais consacrer la plus grande partie de mes journées à l’absence de pensée constituera pour moi un véritable défi que je tiens absolument à relever.
Je l’avoue, j’attends de cette expérience une sorte de transformation. J’ignore laquelle, mais je l’espère, comme un naufragé appelle de ses vœux un bout de terre au milieu de l’océan, même s’il ne peut prédire ce qu’il y trouvera. Je cherche des réponses sans vraiment connaitre les questions… Six jours de vie à part, à côté, et en même temps tellement dedans, ne seront, de toute façon, jamais vécus en vain.
Séjour en écovolontariat
Je ne voyage jamais. Par manque de moyens, principalement. Mais par choix également. J’aime maitriser mon empreinte carbone, je trouve que cela fait partie de nos nouveaux devoirs de citoyens. Mais comment changer le monde si on ne participe à rien ?
Alors j’ai décidé d’opter pour un compromis : voyager, oui, mais utile et engagé. Jusqu’ici, je ne m’étais jamais vraiment intéressée aux séjours écovolontaires. Trop occupée à écrire, prisonnière de ma propre productivité, je restais « encrée » à mon clavier, en me persuadant de me consacrer à l’essentiel. Mais comme je vous l’ai dit, quand on « vieillit »…
Je n’ai pas encore choisi ma destination, tout dépendra de l’évolution de la pandémie, évidemment. Mais je privilégierai une mission écologique, et si possible dans un pays où il ne fait pas trop chaud, parce que je suis une fille de l’hiver et que j’ai la chaleur en horreur. Les plages encore plus, sauf si c’est pour les nettoyer. Il ne me reste plus qu’à attendre que Monsieur Corona daigne se retirer avec élégance, pour me laisser entrer dans la danse.
Implication citoyenne
L’implication citoyenne constitue pour moi un véritable paradoxe. Je la trouve vitale, saine, constructive, mais dans le même temps, elle m’inspire doutes, méfiance et découragement. J’ai étudié de nombreuses initiatives, les ai observées, analysées, en ai tiré des conclusions. Et le résultat final, c’est que je n’ai pas encore trouvé la bonne. La bonne façon d’agir, le bon axe, l’association suffisamment subversive et organisée pour être efficace. En fait, je cherche « 3 » (cf. La 3e guerre), tout en sachant qu’elle n’existe pas. Il faut donc que je recommence à fureter, à tester, en m’impliquant davantage dans les actions et moins dans l’analyse. Halte à l’intellect, place à l’expérience concrète. L’heure du vécu est décidément venue.
Nous ne pouvons nous résumer à une existence purement fonctionnelle : manger, travailler, dormir ; regarder la vie passer et laisser le temps agir ; contempler ce qui nous regarde au lieu de nous en mêler ; rester le spectateur de notre propre film sans jamais vraiment l’écrire. Nous vivons dans un monde dont le plus grand atout est d’être parvenu à nous convaincre que nous n’avons pas de prise sur lui. Il suffit de lui retirer cette carte et c’est nous qui aurons la main. Mais pour y arriver, encore faut-il entrer dans la partie. Alors en 2021, je commence à jouer, pour de vrai. Expect me…