Il y en a une qui survit depuis plus de 30 ans. Elle s’appelle Pangée et elle voudrait devenir une série télé, pour braquer les projecteurs sur le lien Terre/Humanité et faire d’adolescents éveillés les nouvelles élites d’un monde égaré. Elle est parvenue à s’évader à plusieurs reprises, mais chacune de ses escapades s’est révélée affligeante. L’extérieur ne lui porte aucun intérêt. Il la perçoit au mieux comme une excentrique, au pire comme un élément perturbateur. Elle voudrait tenter une nouvelle échappée, mais sitôt la porte entrouverte, elle s’arrête, stoppée net par LA question, celle qui mine et sape tout élan : A quoi bon ? Alors elle retourne dans son coin et continue de protester, histoire de se maintenir en état de survie.
Et puis il y a Emana. La très jeune Emana. Qui se rappelle à moi chaque fois que je mets des écouteurs : elle déferle dans mes veines et fait vibrer mon ADN, sous le rythme puissant d’une musique épique qui m’ouvre les portes de l’heroic fantaisy. Elle explose mes émotions, met l’univers à sac, et se réjouit de me piéger dans une réalité parallèle.
Il y a également Arche. La très sage, très complexe, la colossale Arche. Elle se voit en trilogie littéraire, massive, hyper documentée, questionnant le devenir d’une humanité menacée de disparaître pour de bon sous les feux d’une étoile à neutron. Elle me fascine et me terrifie, elle m’excite et me décourage. Arche prend beaucoup de place, mais je n’ai pas assez d’espace pour la laisser s’épanouir.
Et il y en a tant d’autres, qui cherchent à s’imposer elles aussi : Silo et son monde post-apocalyptique, Groom et son escape game pour élites déshumanisées, Little mirror et ses leçons de grandeur enseignées par des enfants, Planificateur et ses intelligences exogènes… Je suis frustrée de les garder enfermées, mais imaginez la déferlante si j’acceptais de les libérer. Elles mobiliseraient toutes mes ressources, tout mon temps, toute ma bande passante, et je RAMerais en surchauffe, incapable de les canaliser. Pour que je leur accorde le droit de jaillir et d’exister, il faudrait que je n’aie plus qu’elles à gérer. Et c’est impossible. Alors je les garde captives, me rendant du même coup prisonnières de leur perpétuelle insurrection. C’est la seule solution.
Mais il y a tout de même un point positif dans cette pénible rétention : elles ont au moins la chance d’être, c’est toujours mieux que de ne pas naître.