C'est l'un des comédiens de la troupe des Arthurs qui m'a lancé ce défi le premier. Il avait une idée de sujet, mais la plume n'est pas sa spécialité. Autour d'un dîner fort festif et animé, il m'a adressé une question que je ne m'étais jamais posée : "Ca te dirait d'écrire une pièce ?". Sans même réfléchir, j'ai accepté. J'ignorais alors à quel point l'exercice serait compliqué.
Lorsque j'étais en prépa-cinéma et que j'apprenais à raconter des histoires, une règle d'or nous était imposée : ne faites passer par le dialogue que ce qu'il est impossible d'illustrer par l'image. En clair : pensez visuel, oubliez les bavardages. En élève consciencieuse, j'avais retenu la leçon et l'ai appliquée tout au long de mon parcours. Sauf qu'au théâtre... il faut faire exactement le contraire. TOUT passe par les mots, les tournures, les dialogues, les réactions émotionnelles verbalisées.
Enfer et damnation. Me voilà entraînée dans ma propre déconstruction. Forcée de me départir de mes réflexes, mes techniques et un mode opératoire bien "encré", j'ai dû accepter de dire, parler, exprimer, beaucoup plus que de montrer. Batailler contre ma propre résistance, oeuvrer contre ce qui avait fini par devenir une seconde nature. Mon premier "jet de pièce" atteignit péniblement les 40 pages, soit à peine une heure de représentation. Autre contrainte de taille, à laquelle je n'avais pas vraiment songé : l'unité de lieu et de temps. Impossible de passer d'un endroit à un autre pour alterner les arches et créer du rythme, impossible de jouer sur les ellipses et la diversité des moments. L'oeuvre théâtrale concentre l'espace et la durée, en un microcosme dans lequel tout doit exploser, sans débauche de moyens ou d'artifices.
Aujourd'hui, j'en suis à ma deuxième pièce, mais je peine toujours autant. J'y prends un peu plus de plaisir, mais mon clavier crépite beaucoup moins vite que lorsque j'écris une série ou un roman. Il me faudra donc réclamer de nouvelles collaborations pour parfaire l'entraînement ;).