Une énième tentative. L'espoir d'une fenêtre de tir enfin opportune, d'un moment idéal pour aborder le sujet et le propulser en avant. Les Enfants de Pangée sont nés dans mon esprit il y a près de 35 ans, et cherchent encore à exister, refoulés par le déni d'une civilisation qui se sait condamnée, mais qui refuse de l'admettre. J'espérais que la trilogie littéraire, dont le dernier tome est sorti en 2018, finisse par attirer l'attention, élargisse son lectorat, éveille l'intérêt de producteurs en quête de séries conjuguant divertissement et avertissement. Mais à l'ombre des grands best-sellers et noyée dans la masse des milliers de livres qui paraissent ou paressent chaque année, il aurait fallu un gros coup de chance pour qu'elle sorte du lot... Et pourtant, je ne peux en démordre : je reste persuadée qu'il y a quelque chose à faire avec ces Enfants 2.0. Je cherche le moyen de les exposer à la conscience collective. Ils ont beaucoup à dire, beaucoup à faire, beaucoup à transformer. Il faut leur donner la possibilité de s'exprimer. Alors je reprends mes calepins et je repars à l'assaut d'une version, actualisée, ancrée dans les préoccupations de notre temps et dans le bilan dégradé de ces dernières années. Durant l'été, mon activité alimentaire est grandement ralentie. Je dois en profiter pour insister.
Si seulement je pouvais faire ça toute l'année : égrener les terrasses de café et les lieux inspirants avec mon crayon et mon imagination, pour construire brique après brique les fondations et l'ossature d'un nouvel édifice narratif. La phase d'élaboration est toujours manuscrite chez moi. Elle est constituée de lignes, de tableaux, de ratures, d'allers retours entre la galerie de personnages, l'intrigue principale, les arcs secondaires. Les pages blanches se noircissent, je suis la seule à pouvoir les relire et le relier entre elles. Le vide se remplit d'un joyeux bazar, s'enrichit d'idées, de données, de visées. Puis le fourre-tout s'organise et s'affine, jusqu'à se muer en un plan clair et consolidé, qui servira de base à l'écriture à proprement parler.
J'ai d'abord été tentée de reprendre la trilogie telle quelle et de l'adapter en série TV. Tout y est, nul besoin d'un vaste travail de rédaction. Mais je ne crois pas dans les doublons. Ce que j'adore avec les fictions, c'est leur potentiel infini d'extrapolation. J'ai envie d'un spin-off. D'un complément. D'une approche qui viendra enrichir l'existant, plutôt que le remplacer par un écho superflu.
Alors me voilà revenue au début de l'état latent de gestation. Les semaines à venir verront mon album de maturation s'étoffer de photos de lieux inspirants, d'instants porteurs, d'errements intérieurs passés au filtre de l'encre. J'ignore encore si j'aurai le temps d'aller au bout du processus. Le doute m'étreint trop souvent. Mais les Enfants de Pangée sont têtus. Ils refusent de se laisser oublier, et je refuse de les ignorer.
